L’élevage des génisses jersiaises de la naissance à 6mois

L’élevage des génisses est essentiel afin d’éviter tout retard de croissance préjudiciable à la future carrière de l’animal. Race précoce, la jersiaise présente une moyenne d’âge au premier vêlage de 26 mois (résultats CL2014). Cet atout est souvent sous-exploité puisque
la jersiaise est capable de vêler dès 22 mois. Cependant, attention à ne pas tomber dans
l’excès en suralimentant les génisses. Des génisses grasses à l’insémination risqueront
de présenter plus tard des problèmes de fertilité, de vêlage, de mauvaises mamelles,
et donc une moins bonne longévité. De plus, l’apport de minéraux est également primordial
pour la consolidation du squelette.
Compte-tenu de sa petite taille et de ses caractéristiques métaboliques, il n’est pas toujours évident de s’y retrouver. Voici donc quelques informations et conseils pour l’élevage
de vos génisses, grâce à 4 élevages supports : le GAEC la Poupardière (79), la SCEA Gaborit (49 – bio), le GAEC de la Jutière (49) et l’EARL de la Glardière (49).

 

Nouveau-nés

Les veaux jersiais pèsent en moyenne 15 à 25kg, poids nettement inférieur à celui des grandes races telles que la Holstein, Montbéliarde ou autre (40 Kg en moyenne). L’alimentation doit donc être adaptée à la morphologie, notamment à la capacité d’ingestion et de digestion de la caillette. La maîtrise de l’ambiance est également
indispensable pour avoir des animaux en bonne santé.

 

Le logement

Peu de critères sont facilement mesurables pour estimer les performances de croissance des génisses. Alors que bien souvent, les retards de croissance sont attribués à des
problèmes sanitaires, un logement adapté peut apporter une amélioration significative des résultats.

  • Les cases individuelles

Le logement individuel est certainement la solution la plus sûre pour avoir un bon démarrage. Les veaux pourront être en cases individuelles, dans un bâtiment ou la ventilation permet d’obtenir des températures relativement stables, ou
dans des niches à l’extérieur.
La période en case individuelle varie largement d’un élevage à l’autre : de 7 jours à la SCEA Gaborit, 8-10 jours au GAEC de la Jutière, jusqu’à 6 semaines au GAEC la Poupardière
et 8 semaines à l’EARL de la Glardière. Pour Cyril Niort, du GAEC la Poupardière, « les cases individuelles permettent un meilleur suivi de l’alimentation et de la santé des veaux.» A l’EARL de la Glardière, Christian Garreau loge les veaux
pendant 3 semaines en niches individuelles à l’extérieur, puis ils sont rentrés dans le bâtiment à génisses, en cases individuelles de 3m², paillées et couvertes sur une
moitié grâce à un faux plafond en bois. « La case est nettoyée à chaque changement d’animal » explique Christian.

  • Cases collectives

A partir de 8 semaines d’âge, la réglementation impose le logement des veaux en case collective, pour des questions de bien-être animal.

La bonne réussite de ce système dépend de l’homogénéité des lots de veaux car l’alimentation n’est pas facilement individualisée, et les écarts d’âge importants entre
animaux pénalisent les plus jeunes. Nos quatre élevages utilisent des cases collectives (4 à 8 génisses par case afin de réaliser des groupes de taille homogène). Cependant, l’âge à partir duquel les génisses sont placées en case collectives varient entre 7 jours et 8 semaines.

Au GAEC de la Jutière, la nurserie (de 10 jours de vie jusqu’au sevrage) est équipée de cornadis et de cases de 7 places maximum (1.75m² de couchage plus 0.5m² d’exercice). « L’écart d’âge entre les génisses ne dépassent pas 3 semaines dans chaque lot, afi n de ne pas pénaliser la croissance des plus petites » explique Jean-Yves Onillon.. Pierre-Yves Gaborit pratique de la même façon : à partir de 7 jours et jusqu’au sevrage, les génisses sont placées en cases collectives (4 génisses par case). Elles bénéficient d’une aire de couchage et d’une aire d’exercice devant l’auge. Le paillage est effectué tous les matins.

La désinfection totale des cases n’est pas automatique après chaque lot mais l’apport de chaux est conseillé. La ventilation statique est importante ; ouverture sur les cotés, avec bardage clair voie ou filets brise vent pour éviter les courant d’air, avec une cheminée centrale.

Du sevrage jusqu’à six mois, les veaux évoluent en cases collectives pour les 4 élevages cités. « Après sevrage, je place les génisses en cases collectives de 4 à 6 places pour 20m² d’aire paillées plus 15m² d’aire d’exercice raclée, ce qui fait 6m² de disponible par génisse. Nos cases sont équipées d’un espace confiné muni d’un faux plafond en bois, qui permet de réguler les différences de température jour/nuit» explique Christian.

 

Alimentation

En race jersiaise, la croissance des génisses doit impérativement atteindre le seuil de 110cm de tour de poitrine à 6 mois (soit 125kg) pour optimiser l’avenir de la future laitière et exploiter pleinement la précocité de la race.

  • Première semaine de vie

Les douze premières heures de vie sont les plus importantes. Il est fondamental que le veau absorbe du colostrum afin de se munir de tous les anticorps dont il aura besoin durant
le début de sa vie. Dans les quatre élevages concernés, les nouveau-nés sont laissés avec leur mère pendant 3 à 24h afin qu’ils tètent et absorbent le premier colostrum ou placés directement en case individuelle avec administration du colostrum suite à la traite de la mère.

Les veaux reçoivent le lait de leur mère pendant 2 à 5 jours selon les éleveurs. Ensuite, c’est le plus souvent le lait de vaches présentant des taux cellulaires plus élevés que la moyenne ou des TP et TB faibles qui est distribué aux veaux.Mais ce sont toujours les mêmes vaches qui alimentent le veau pendant la 1ere semaine, afin d’apporter une alimentation égale durant toute la semaine. Attention, cela ne signifie pas que le lait est issu de vaches à mammites ou ayant reçues des antibiotiques !

Compte-tenu de la richesse du lait en matière utile, celui-ci peut-être dilué afin de réduire le risque de diarrhée. Attention cependant à ne pas trop diluer et ainsi diminuer le taux de matière protéique. Pierre-Yves nous donne sa recette : « Je dilue le lait de mes jersiaises à 7% environ, c’est-à-dire que dans 40L de lait, j’ajoute 3L d’eau ».

Dans tous les cas, le lait doit être distribué à une température de 40-42°C.

 

plan d'alimentation lacté de la 1re semaine

GAEC DE LA JUTIEREGAEC LA POUPARDIEREEARL DE LA GLARDIERESCEA GABORIT
J112-24h sous la mèreColostrum sous la mère ou après la traiteColostrum sous la mère ou après traite12h sous la mère
J2 à J5Lait de la traite : 1L matin et soirLait de la mère : 1.5L matin et soirLait de la mère : 1.5L matin et soirLait de la mère : 1L matin et soir (+hépatoprotecteur J5)
J6 et J7Lait de la traite : 1L matin et soirSachet transition + poudre de lait :1.5L matin et soirlait de la traite : 1.5L matin et soirLait de la traite : 1L matin et soir + hépatoprotecteur

 

  •  De l’eau propre est distribuée à volonté à toutes les génisses

Pierre-yves complète : « Les céréales sont ajoutées progressivement à la ration des génisses et la quantité distribuée varie selon le poids de l’animal. Je passe de 10g la 2ème semaine à 2 fois 1kg (soit 2 kg par jour) durant les deux dernières semaines. Le passage de 2L de lait à 1L par repas durant ces deux dernières semaines se fait sans transition, tout comme le sevrage qui suit. Les céréales sont composées « d’un mélange maison », à savoir : 200kg de maïs grains, 200kg de céréales (triticale, avoine, pois), 50kg de son, 50kg d’aliment protéique et 20kg de minéral riche en oligo-éléments, argile et vitamines. Le lait est distribué en milkbar individuel puis collectif. J’utilise ce procédé depuis 3 ans et il me donne entière satisfaction. Il n’y a plus de lait caillé qui stagne dans les tuyaux comme avec notre ancien DAL et les veaux grandissent mieux. Les tétines sont changées après chaque lot. Elles sont plus dures que celle du DAL ce qui augmente la salivation entrainant une production enzymatique plus forte et développe l’immunité du veau. De même, l’utilisation d’un hépatoprotecteur nous a permis de diminuer considérablement les frais vétérinaires.»

Cyril : « Durant les premiers repas, les fi lles de génisses reçoivent un substitut de colostrum afin de renforcer leur immunité. Dès l’apparition des premiers signes de diarrhée, j’ajoute durant les trois premiers jours de la poudre Parofor afin d’éviter la cryptosporidiose présente depuis des années sur l’exploitation. Je mets également à disposition de la poudre type Argivo durant les trois premières semaines où les risques de diarrhées sont les plus importants. La poudre de lait que j’utilise contient : 22.5 % de protéines, 18.5 % de matières grasses, 0.3 % de cellulose, 8 % de cendres, 4 % d’humidité, 0.8 % Ca, 0.7 % P, 0.6 % Na. Pour 1 litre d’eau, j’ajoute 250g de poudre de lait. Nous privilégions la poudre de lait pour sa facilité d’utilisation. De plus, elle nous procure
une organisation de travail plus souple : je peux donner à boire aux veaux avant, pendant ou après la traite selon mon planning et toujours à bonne température. Grâce à ce plan d’alimentation, nos génisses démarrent bien et nous limitons l’apparition des diarrhées. Nous les inséminons entre 14 et 17 mois, selon la période de vêlage que nous nous fixons.»

Christian : « Notre mélange fermier est composé de 2/3 de blé et 1/3 de colza ; il est distribué matin et soir. Dès qu’elles consomment correctement leur concentré (2 à 3
kg maxi/jour) + minéraux (une poignée par jour), nous les sevrons, à 3 mois en général. »

Jean-yves : « Nous distribuons toujours le lait des mêmes vaches et utilisons des milkbars collectifs. Le milkbar permet de simplifier le travail. Notre mélange fermier est composé
pour 1 kg, de soja : 140g, colza : 230g, méteil : 360g (triticale pois avoine), mgh : 250g (maïs grain humide), 7-21-5 : 10g, argile : 10g. Ce mélange est distribué à volonté et on arrive à une consommation d’1kg au sevrage tout cela accompagné de paille de blé renouvelée tout les jours. Nous privilégions la paille au foin afin de limiter les risques de coccidioses, car avec la paille, la ration est plus stable. »

 

Plan d'alimentation lacté de le 2ème semaine jusqu'au sevrage

GAEC DE LA JUTIEREGAEC LA POUPARDIEREEARL DE LA GLARDIERESCEA GABORIT
S2Lait de traite :
1.3L matin et soir
Poudre de lait : 2L matin et soirLait de la traite : 1.5L matin et soirLait de traite : 1.2L matin et soir + foin + 1cuill. céréales
S3Lait de traite :
1.5L matin et soir + paille + mélange fermier
Poudre de lait : 2.5L matin et soir + aliment floconné + paille ou foinLait de la traite : 2L matin et soir + 1kg maïs ou mélange fermier + pailleLait de traite : 1.2L matin et soir + foin + 1cuill. céréales
S4 et S5Lait de traite :
1.8L matin et soir + paille + mélange fermier
Poudre de lait : 3L à 3.5L matin et soir + aliment floconné + paille ou foinLait de la traite : 2L à 2.5L matin et soir + 1 à 2kg maïs ou mélange fermier + pailleLait de traite : 1.5L matin et soir + foin + céréales
S6 à S8Lait de traite :
1.8L matin et soir puis 1.5L matin et soir + paille + mélange fermier
Poudre de lait : 4L matin + aliment floconné 1er âge + paille ou foinLait de la traite : 2.5L matin + 2kg maïs ou mélange fermier + pailleLait de traite : 1.5L matin et soir + foin + céréales
S9Lait de traite :
1L matin + paille + 1kg mélange fermier
Poudre de lait : 4L matin + 1.5kg aliment floconné 1er âge + paille ou foinLait de la traite : 2.5L matin + 2kg maïs ou mélange fermier + pailleLait de traite : 1.5L matin et soir + foin + céréales
S10Poudre de lait : 4L matin + 1.5kg aliment floconné 1er âge + paille ou foinLait de la traite : 2.5L matin + 2kg maïs ou mélange fermier + pailleLait de traite : 1.5L matin et soir + foin + céréales
S11 à S13Poudre de lait : 2L matin + 2kg aliment floconné 1er âge + paille ou foin
Sevrage S12
Lait de la traite : 2.5L matin + 2kg maïs ou mélange fermier + paille
Sevrage S13
Lait de traite : 2L matin et soir + foin + céréales
S14 à S17Lait de traite : 2L matin et soir puis 1L S18 et S19 + foin + céréales (jusqu'à 2kg)

 

Post sevrage

Le fourrage (foin ou paille) distribué dés la phase lactée est indispensable pour mettre en  place le bon fonctionnement du rumen. De plus, un fourrage grossier permettra d’obtenir
des génisses avec une cote profonde, ouverte, qui par la suite se traduira par une bonne capacité d’ingestion. Le concentré permet de couvrir les besoins de croissance de
la génisse.

« Après sevrage, on augmente la quantité d’aliment pour arriver à 1.8kg (qui sera la dose maximum) vers 5 mois. De plus, à partir de 4 mois on fait une transition sur 10j pour passer de la paille au foin. Les génisses ont cette ration jusqu’à la mise à l’herbe courant avril où elles peuvent revenir dans la stabulation avant d’aller dans des parcelles plus lointaines» explique Jean-Yves. « Le mélange fermier est légèrement modifi é (pour 1kg de mélange : 130g de soja, 210g de colza, 360g de méteil, 280g de mgh, 10g de 7-21-5 et 10g d’argile). Le mélange à la ferme nous permet d’avoir un aliment plus économique dont nous sommes sûrs de la valeur alimentaire et de la composition.»

« Chez nous, les génisses sont prises au cornadis (environ 1 heure) afin qu’elles puissent manger correctement le concentré et à leur vitesse. Nous distribuons 3kg d’un mélange méteil/pois plus colza (rapport de 70% / 30%) et minéraux, ceci accompagné de foin à volonté. Les bloquer au cornadis nous permet également de surveiller leur ingestion et de détecter d’éventuels problèmes, explique Christian. Les génisses peuvent pâturer autour du bâtiment à partir de 6 mois et elles ont le soir la possibilité de rentrer pour manger du foin. Nous les complémentons en colza et en blé, selon la quantité d’herbe ingérée. »

Cyril termine : «A partir du sevrage et jusqu’à 6 mois, les génisses reçoivent une ration de 2kg de granulés, un peu d’ensilage de maïs et herbe mélangés ainsi que du foin à volonté. L’ensilage et le foin sont composés majoritairement de graminées épiées afi n d’obtenir des génisses profondes.»

A la SCEA Gaborit, les génisses gardent la même ration : 2kg d’aliment par jour et du foin à volonté. Elles sont inséminées à 14-16 mois.

 

Soins et prophylaxies

Outre les diarrhées, peu de problèmes sanitaires sont observés pendant cette période. Tous les éleveurs questionnés écornent les veaux avant sevrage, et dans la majorité des cas, à 3 semaines de vie. La base du cornillon est brulée pendant 7 secondes à 500°C. « Pour passer cette phase de stress qui peut occasionner des diarrhées, on met à disposition des veaux de l’argile, dans un seau à volonté » explique Christian. Jean-Yves de son coté, ajoute dans une buvée 30mL d’huile de foie de morue qui apporte des vitamines. « Je le fais dès que les veaux ont deux jours de vie à une fréquence d’une buvée tous les 15 jours et ce jusqu’au sevrage. Ceci limite le nombre de diarrhées. »

Plusieurs prophylaxies sont mises en place, selon les élevages, lors des premiers signes d’infection ou lors de périodes d’élevage critiques (période hivernale, grosse période de vêlages…) telles que : vaccination des mères au rotacorona et/ou rotavec, vaccination des veaux contre la grippe, la coccidiose, tonte des génisses sur le dos, vermifuges par huiles essentielles.

Enfin, le contrôle de la croissance des génisses dès la naissance est important, au vue de la précocité de la race, afin d’amener les génisses au vêlage avec un bon développement. Voici quelques repères :

courbe croissance jersiaise

Les commentaires sont fermés.